Championnat du monde de raid : Expedition Africa

Il est 11 h et on est face à une montée type KV : la première balise est au sommet. C’est le départ des Championnats du monde de Raid avec le gratin mondial. L’Afrique du Sud n’était pas forcément prévue au programme 2023 mais après notre belle virée en Croatie en mai, la donne a changé… Mes 3 compères ont réussi à me motiver pour franchir le pas. Voyage, Afrique, Magie, Désert, Chaleur, tous les ingrédients pour tenter l’expérience avec cette équipe au top…

Le menu est copieux (trop ?) 700 puis 800 km annoncés en fait au briefing, une vraie expédition selon Stephan, le maître des lieux. On s’attend à une course dure… On va être servi !

On est donc au départ avec une cinquantaine de fous furieux sur le groupe whattsap suivi live qui commencent déjà à poser des questions aux habitués du live tracking.

Notre objectif est de faire la course : essayer de partir vite pour se retrouver dans le bon wagon et espérer d’ici 48 à 72 h de passer la darkzone kayak sans encombre.

Partir vite oui, mais pas trop : le début est un peu poussif pour moi, il fait chaud (trop) et je me mets en sécurité en donnant le tempo du plus lent. Les balises s’enchaînent : au bout d’une heure trente, Safat, les suédois (futurs vainqueurs) nous doublent, puis quelques dizaines de minutes après Absolu raid et Merrel (des favoris pour le top 5). On dirait qu’on est bien partis. Les dunes arrivent : notre terrain de  jeu avec Fred : on sait courir dans le sable et on va aider nos potos de la semaine : les deux Nicolas : Cochon pour l’un et Brenda pour l’autre.

Il faut se faire un semi-marathon le long de l’océan indien pour finir ce trek. Alternance marche et course pour nous. J’aide Cochon en lui prenant son sac. Il est un peu dans le dur mais ça a l’air de tenir. La nuit tombe et on réalise notre première traversée de rivière avec une balise à l’azimut dans les dunes. Je piste les Suédois d’Hamilton sur la gauche et carreau, on tombe dessus. On finit le trek par la dernière traversée. Cochon s’est refait la cerise à l’AT. On mange et on repart pour le premier VTT.

Ça roule fort et au bout de deux heures, Fred nous fait un soleil dans une ornière à 30 à l’heure… 1er avertissement ! Peu de souvenir de ce VTT de 180 bornes, si ce n’est des longues portions monotones où j’ai bien dû essayer de dormir un peu par ci, par là. Les deux Nico sont à bloc dans la carte. La journée aura été très longue et on aura souffert de la chaleur (manque d’eau). La crevette  a pris un coup de chaud…

A l’AT, on retrouve Béa et quelques équipes françaises, on tente de dormir 45 min avant de repartir bien entamés par ce début de raid copieux. On a déjà oublié le classement et nos temps de passage ont explosé en vol donc maintenant, on prend section par section et on avance.

Trek 2 : 80 km : Grosse patate au début avec les copains de Life expérience. Au sommet, on les a décrochés un peu et on trouve la balise avant que le brouillard et la nuit tombe. Il pleut. Fred est dans un autre monde, frigorifiée, blanche, les yeux mi-clos…

2ème avertissement… Hors de question de s’arrêter sous la pluie et dans le froid donc on avance mais on se perd dans ce brouillard épais. On galère pendent deux heures pour trouver le rappel de 50 m. Fred revient à elle petit à petit.

On descend la paroi sans difficulté et on enchaîne dans la nuit. Le rythme est bon et on s’octroie 30 min de dodo sur un bout de terrain plat au sec au petit matin.

Enième traversée de clôture, on remonte sur un sommet où on retrouve Jino et Romu pour enchaîner quelques postes ensemble. Ils ont la forme et s’échappe tranquillou. On se retrouve avec Alais et son équipe Life expérience pour quelques heures de cohabitation.  Choix différents : on se sépare, la pluie redouble et le vent est énorme, on aperçoit quand même quelques beaux paysages : c’est l’Afrique, c’est magique !

Le trek est long et on cumule depuis le départ des petites erreurs inhabituelles pour nous : je ressens le besoin d’en parler à l’équipe afin de rester soudés devant l’ampleur du chantier qui nous attend. Chacun y va de son avis et on met carte sur table ce que l’on ressent. Ça fait du bien de se dire les choses et on est tous d’accord pour dire que l’équipe est au centre de tout et que oui bordel, on va finir ce morceau avant d’avaler le prochain ! Restés lier est le plus important dans ces moments !!!

La fin du trek est compliquée pour Cochon qui ressent des crevasses sous les pieds, je prends son sac pour l’alléger au max même si mes pieds chauffent aussi. J’encourage Brenda à blinder l’orientation pour nous amener à l’AT le plus vite possible (2km/h on est flashé à 2km/h sur une piste toute plate !!!) Brenda assure comme toujours et on arrive à l’AT 31 h après… les pieds défoncés mais heureux d’en avoir fini. Repos, réparation des petons et dodo 3h dans les bras de Morphée.

Au réveil, tout va bien : on marche (c’est déjà ça) et on va pouvoir faire le kayak sans darkzone. Le trek pour arriver au kayak est facile et on s’équipe.

1er rapide, 1er bain dans de l’eau dégueulasse, idem pour les 2 Nicos. Avec Fred, on est vraiment mauvais sur ce début de section : on chavire 3 fois. Fred manque de se faire coincer par le kayak sur un rocher… Ambiance, j’ai cru la perdre la petiote… ça ne me fait plus rire les rapides et sur notre 3ème chute, ma pagaie se coince dans les amas de branches, je me retrouve pris dedans … obligé de la lâcher. Puta.. !! Quelle merde !! Fred est congelée, idem pour moi et on a une pagaie pour deux maintenant. Nico, en mode warrior débarque, remonte la rivière en courant et revient 10 min plus tard en nageant avec ma pagaie. Put… qu’il est bon ce Brenda ! Je l’embrasserai dans ces moments-là ! On décide de blinder ce kayak pour ne pas rester congelés sur place. Les deux Nicos ouvrent la voie et Fred et moi suivons nos maîtres.

Dernier rapide : fin de la darkzone, on est bons pour continuer notre chemin.

65 km avalés en 8h20… y avait du jus comme dirait l’autre…

Transition du 3ème âge à la fin du kayak pour rejoindre l’AT 3 km plus loin

On se réchauffe, on mange et on trace le monster VTT de 220 km !

Ça va être long le truc… On part de nuit et on roule 3 h avant de se poser dans une ferme ouverte. Dodo 1h30 sauf pour moi qui n’arrive pas à dormir sur ce coup-là. Fatal pour la suite…

On repart sur ces longues lignes droites qui traversent une Afrique aride avec quelques traversées de rivières où il fait bon de se tremper et recharger les flasques. Derrière l’équipe, je suis en mode zombie avec des hallu toutes les 5 minutes, j’essaie de me parler mais rien n’ y fait :  je dors les yeux ouverts. On roule en forme de peloton disloqué. Cochon tente de mettre du rythme, ça marche 10 minutes puis on grippe la machine. On avance mais pas vite mais on avance… C’est interminable ce monster VTT : on alterne des petits sommeils flash de 5min qui me font le plus grand bien. 0 choix d’orientation, on traverse des cartes A3 en longueur sans voir de poste alors on profite des paysages grandioses, des vallées, de cette faune qui se cache (où sont les éléphants, les lions etc…?)

Dernière balise dans une église et on descend vers l’arrivée face au vent pour atteindre l’AT.

On y retrouve Gérard et sa femme en bénévoles sur l’AT. On s’enquille un hot dog sud af avec de la viande d’orynx, un régal + des pâtes bolo + du coca bref un festin.

On dort 1h30 comme des bébés et on repart.

Dernier gros trek 65 km.

La nuit se passe bien jusqu’à un poste un peu foireux, on hésite, on revient sur nos pas alors qu’en fait on était bien, 1h30 dans le cornet… pas grave, on avance. Brenda est agacé par ses erreurs mais nous, on ne lui en veut pas, on lui donne toute notre confiance et on avance, c’est le principal. Lever du jour sur la steppe : magique, les photos sont magnifiques. L’instant est irréel pour nous. On va attaquer une sorte de désert sans eau. Je coince un peu sur le coup, j’ai peu d’eau : moins d’un bidon et il fait déjà 40 degrés. Pour la première fois, je me sens en délicatesse. Comment on va traverser ce désert aride sans eau. Heureusement, mes coéquipiers m’épaulent et me rassurent : on trouvera des réservoirs… ouf… je les crois alors j’emboîte leurs pas sans broncher. Dernier gros D+ à prendre en fin de trek pour atteindre le sommet et ce coup-ci, c’est Cochon qui coince un peu. On fait un stop dodo de 15 min pour le refaire. Et on attaque la montée : ça caillasse sévère et on lit mal l’arrivée au sommet : résultat, on se tape un aller-retour pour rien. Dans le dur, ça chauffe un peu mais on se calme vite et une fois la balise du col  avalée, on redescend vers l’AT suivant. La section a été longue et éprouvante moralement et physiquement.

Juste avant l’AT, on prend les deux Nicos avec Fred et on se resserre, on s’enlace, on s’embrasse et on leur apporte notre soutien sans faille sur leurs choix d’itinéraires. A eux de se faire confiance, nous on est là pour eux et pour les rassurer…Fin de l’épisode où le moral est atteint !!! Il reste deux sections bordel !!! On va le faire on le sait.

Pour la première fois, on regarde vraiment le pointage à l’AT et on nous annonce 24ème équipe arrivée. Pas mal alors qu’on a l’impression d’être dans le dur tout le temps…

A l’AT, commence pour moi les pbs de bide, j’ai des crampes d’estomac, les intestins en 8 et le dernier VTT s’annonce chaud patate en orientation et en D+. On dort 1h30 et on repart de nuit pour 124 km.

D’entrée je donne mon sac à Cochon et Brenda me tracte pour que je suive le rythme. On monte fort les pourcentages et pendant 3 / 4 heures on avance en avalant le d+ à mon rythme. J’ai mal au ventre mais on ne s’arrêtera que dans la maison marquée sur la carte où on peut dormir. 4 équipes sont là. On dort 30 min et on repart : le jour va se lever. C’est magique, les jambes reviennent un peu et on avance vers le prochain AT. CP 68 traversée de rivière : tous à poil dans l’eau pour se rafraîchir. On dévale vers l’arrivée avec un vent de face qui nous fait reculer si on ne pédale pas : c’est long mais on touche le but !!!

                AT : passage devant le bénévole pour donner le passeport de pontage. Erreur sur le CP 68 . J’ai poinçonné la lettre N mais c’est une erreur. Je regarde le bénévole abasourdi et lui dit qu’on était bien au poste. Cochon prend le carton de pointage et explique que c’est un R   que j’étais malade quand j’ai poinçonné et que c’est une erreur de ma part. Heureusement, Fred a pris une photo de la rivière et de l’arbre. Moment de tergiversation avec le bénévole et l’arbitre par téléphone. On se prépare à partir sur le dernier trek en attendant la sentence.

Le bénévole revient : pas de pénalité on peut repartir. Ouf !

La nuit va bientôt tomber : encore une heure de jour et il fera nuit noir : c’est le dernier trek de ce raid et on nous annonce dans le top 20. On décide de faire la nuit complète. Les deux premiers postes sont cadeaux puis la nuit tombe et le réseau de chemins se complexifie. Cochon est dans un autre monde et s’endort, on le pousse à avancer, je prends la carte avec Brenda. On trouve le sentier qui nous amène aux pieds des dunes. On stoppe 30 minutes pour que Fred et Cochon dorment. Avec Nico, on est chaud, on les réveille et on part dans le sable. Azimut nickel et paf ! on croise les Japonais sur le retour, on prend la balise et demi-tour dans les chemins. Longue marche pour atteindre le CP 72 : ce coup-ci, c’est moi qui m’endors, Cochon retrouve de la lucidité et on galère pour trouver ce début de sentier. Brenda se lance dans de l’eau jusqu’à la taille, un des Jap revient en furie, il rassemble son équipe et file de l’endroit. C’est le bon chemin, reste à la trouver : Nico la choppe : puta…c’est bon ça, de nuit c’était chaud patate. Cochon a retrouvé toute sa lucidité et l’équipe est en ordre de marche. Longue section dans un chemin à travers la forêt pour atteindre le deuxième niveau de dunes. Cochon comprend la carte en éteignant sa lumière et voit parfaitement la végétation avec la pleine lune. Crevette nous trouve le point de passage et on dévale les dunes avec un large sourire et le sentiment que plus rien ne peut nous arriver. On masteurise ce dernier trek malgré la fatigue. On file vers la plage et les 3 derniers postes sont les 3 postes que l’on connaît car ils font partie de notre premier footing le jour de notre arrivée. Un long coastering  de 7 bornes pour atteindre le phare puis l’arrivée.

On marche, la nuit est encore là et on commence à réaliser ce que l’on est en train de faire. Pour la première fois, on évoque l’arrivée : tous les 4.

Dernier poste, le phare puis la plage de sable. Le jour se lève tout doucement. Un petit son de trompette perce le bruit des vagues. Romu est là avec Béa.

A 400 m de la ligne, Fred nous rassemble et nous annonce que c’est la fin pour elle, que c’est terminé les longs périples à travers le monde. C’était son dernier…

Je réalise alors à ce moment tout ce que l’on a vécu ensemble avec Seb, JuJu, les Nicos. 10 ans d’adventure race tous les 2 : des moments hors du temps.

Je pleure, les larmes coulent : Fred c’est The coéquipère, celle qui me connaît par cœur.

Je l’enlace, la serre fort, les deux Nicos me soutiennent. On s’aime !

La ligne arrive. Les copains sont là. Les larmes ont séché mais elles vont revenir quelques heures plus tard, quelques jours plus tard.

Au final, c’est une 16ème place, juste fabuleux pour notre équipe. Pour sûr, notre meilleur résultat avec une telle start list au début mais pourtant, à aucun moment, on a eu l’impression de faire la course contre les autres, juste une course pour nous même, contre ce parcours exigeant qui a meurtri nos corps, nos pieds mais n’a pas atteint notre tête. On s’est battus avec nos armes : notre mental pour affronter le manque de sommeil et toujours avancer coûte que coûte en se faisant confiance.

Merci à tous pour votre soutien, amis, parents, familles, enfants, partenaires : sans vous cela n’aurait pas été possible une fois de plus…

On réalise nos rêves grâce à votre patience, vos soutiens, vos sourires.

Brenda et Cochon vous pouvez être fiers de vous, d’avoir su répondre présents sur ce raid, d’avoir orienté propre sans grosse erreur, avec lucidité pour nous trouver le bon chemin.

Fred, que dire, que tu vas me manquer, que tu me manques déjà, que je suis juste heureux d’avoir partagé tant de joies à tes côtés. Il y a 10 ans quand je t’ai proposé de revenir sur le circuit c’était pour vivre tout ça. Bravo championne : je t’aime partner !!

Fab, juste merci de m’avoir poussé à y aller, d’avoir cru en moi, d’avoir insisté pour que je dise oui. Sans toi, c’est impossible… Merci. Love

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