Dimanche, 11h55, Stockholm, toit du Downtown Center : première contrariété….il était entendu que j’allais checker mes 3 partenaires avant la descente en rappel mais on ne peut accéder aux cordes que un par un.
C’est le fonctionnement de notre équipe, des rôles pour chacun et une confiance absolue dans l’autre pour ce rôle.
J’ai confiance dans les tracés de Ju K, les décisions de Julien Rannou, dans les soins de Fred, ils ont confiance dans mon entretien des vtt et quand je les check dans les cordes.
C’est donc dans les vitres de l’immeuble d’en face que je vois le départ à midi pile, 23 équipiers qui basculent ensemble dans le vide. Quand mon tour arrive je suis dans les derniers, la descente a été laborieuse pour les copains, nous n’avons pas revu (en hauteur !) la technique de rappel imposée et on n’est pas bon.
Au sol, je suis pris en main, Fred enlève mon baudrier, le range, Ju a déjà la carte, on part vite sur la CO dans Stockholm sur une vieille carte historique…pas facile d’interpréter l’ancienne implantation avec toutes les constructions modernes.
Retour rapide au DC, on lâche les casques, on se charge des gilets, des pagaies et des packrafts et on repart en courant….gonflage express, embarquement, petite écluse passée sans encombre.
Nous arrivons sur les arches RedBull, la tête de Fred quand elle comprend qu’il faut sauter dans l’eau : notre machine de guerre, affutée comme un sabre nage super bien mais craint le froid ! on balance tout : bateaux, pagaies, sacs et plouf….ouf l’eau n’est pas froide il faut monter un filet (avec tous le matériel…) replonger, une échelle….fin du jeux avec montée de la piste de ski.
Dans l’euphorie on pose le matériel, aller retour en courant. Craig, l’arbitre, nous attend et nous met un « dernier avertissement » sans frais : on a posé le matos obligatoire, on est quitte pour un second aller retour cette fois ci avec le sac à dos et cette fois ci en marchant !
Dans la suite de la section, je garde en mémoire un long run avec le bateau gonflé sur le dos (et la tête des joggers que l’on croise !) et la traversée d’un marais, de l’eau à la poitrine a tirer les embarcations dans les roseaux, les nénuphars et la boue !
Notre transition est assez rapide, on part couvert sous une petite pluie, le moral est super bon et les fesses bien beurrées : 250km de VTT va falloir être en forme.
On alterne, route, chemin, sentiers….Ju oriente sans aucun accroc, la nuit tombe, la pluie tombe….on s’arrête pour rajouter des couches chaudes et retartiner !
Vers 23h, approche de poste….des lumières au loin ! On tombe sur Paca qui cherche depuis 30’ et trouve quand on arrive, merci pour le cadeau !!! On va repartir et ce sont les petits suisses normands qui arrivent aussi, cadeau aussi.
On repart les trois équipes françaises ensemble, on passe un bras de mer avec un bateau de l’orga, les petits suisses premiers embarqués nous attendent de l’autre côté. Ensuite petit trajet en ferry, le temps de se préparer un lyoph.
Les sentiers pierres et racines sous la pluie sont glissants et quelques passages se font à pied : la fatigue arrive, Julien s’endort….on lui promet une pause de 5’ mais plus loin ! mais toujours plus loin…
Au matin, la pluie a cessé, la fin du VTT est plus dure avec un magnifique chemin côtier assez technique, on pose souvent le pied mais on est en avance sur le timing.
A la fin de la section, vers 14h30, on nous apprend que la section suivante est annulée et qu’il faut qu’on se dépêche si on veut prendre le ferry avec les premières équipes, pour le coup transition super express, démontage des VTT et recharge en bouffe….pas changé j’en suis quitte à me porter mon cuissard pour toute la suite de la course !
Dans le ferry, on se paye un plat chaud et on sieste sur la moquette : la grand luxe après une première nuit sans sommeil.
Un second départ est donné avec la quinzaine d’équipe qui a pris le premier ferry, à 19h toutes les équipes repartent en courant pour 84km de swimrun ! Le premier poste est technique, on rate le bon wagon et Julien a besoin de se recaller pour trouver le poste, on s’agace, la nuit tombe et on aurait bien voulu faire le premier swim de jour…perdu !
Quelle sensation de se retrouver de nuit, face à l’immensité de l’océan, à « estimer » la distance qui nous éloigne de notre île de destination ! Ou doit-on sortir ? Ou peut-on sortir ? Peut-on sortir ?
Ce premier swim est laborieux, heureusement que l’eau est bonne, heureusement que l’on flotte bien (merci Utter Gear). A la sortie de l’eau, Fred est en stress….le froid, la nuit….on la prend dans nos bras, les 4 ne font plus qu’un. Vite, lui transmettre notre chaleur, notre énergie, notre confiance.
Julien lui donne la main, elle accepte le second swim….on prend petit à petit la dimension de l’Epreuve.
Après une galère d’orientation dans les sapins cassés, je commence à avoir des hallucinations, je bug avant une traversée. Julien décide d’une pause dans une cabane des pécheurs ou une équipe espagnole s’est déjà réfugiée. On enfile les goretex par-dessus les néoprènes, Fred et moi avons droit à un bivi. Petit sommeil douloureux. On grelotte. On aurait bien fait un feu mais cela nous avait été interdit par l’orga en raison des trop nombreux incendies de l’été.
Comme d’habitude, avec les premières lueurs du jour, l’énergie revient.
On prend aussi conscience de où on est : au milieu de rien, dans l’océan, avec des îles à rallier !
Le drone nous attend sur le swim suivant, l’équipe média est là, on est dans la course au matin de ce troisième jour.
Plus tard une équipe Suédoise nous double, on s’accroche, on va courir presque 2 heures avec eux, le temps de prendre 2 postes sur une côte granitique fantastique, on saute sur les rochers, on escalade, on relance sans cesse.
Je prends un bout d’orientation pour constater comme les 2 Julien avant moi que le nord n’est jamais au même endroit entre 2 checks. Plus loin, sans doute perturbé par la couleuvre qui nage vers moi dans ma mise à l’eau je réussi même la performance d’amener l’équipe sur une mauvaise île, on a beau chercher la balise, elle n’y est pas….et là on voit une autre équipe nager vers l’île voisine.
A la tombée du jour, on arrive à l’AT dans un camp viking, on se sèche, on mange bien et on s’accorde 1h30 de sommeil sur les peaux de bêtes près du feu.
On repart vers minuit, Ju trouve le premier poste super facilement puis on se calle sur un sentier technique que l’on suit des cairns en cairns et de marques blanches en marques blanches, on enchaine les postes, peut être trop en confiance on galère sur le dernier toujours plus loin : qu’est ce que l’estimation des distances est parfois compliquée alors que des éléments sur le terrain semblent coïncider !
En fin de section je m’accorde un petit somme à la laisse derrière Julien.
A l’AT on retrouve Dominique et Gérard, nos deux bénévoles français qui sont venus offrir leurs services à l’orga suédoise. C’est toujours un tel plaisir de les croiser, leur sourire, leur chaleur ! on se prépare pour le kayak a suivre en se disant qu’on va s’offrir un break avant le départ…mais la liaison est interminable et surtout pas d’abri au départ, il va falloir enchaîner.
Il y a du vent dans ce petit matin, Paca qui a embarqué avant nous fait demi-tour ! Que se passe-t-il ?
Je ne me sens vraiment pas gaillard ! En fait paca a perdu une pale de sa pagaie…on repart avec eux, les mexicains juste derrière.
Je voulais prendre l’orientation mais Ju a besoin de se concentrer sur une carte pour ne pas s’endormir. Choix payant, il nous oriente magnifiquement à travers les îles ou d’îles en îles. Cette section est magique, magnifique, intense, immense, démesurée, fabuleuse….l’engagement semble total, loin de tout et tellement beau. Nous y passons la journée.
Arrivés à l’AT alors qu’il fait encore jour, nous prenons notre temps, pas vraiment motivés à l’idée de réembarquer de nuit pour la section packraft. Nous faisons le choix de marcher jusqu’au premier embarquement et d’y passer un bout de nuit. Il fait froid ce soir là, en marchant Fred tournicotte autour de Ju, check la carte, veut repérer les maisons….et part en courant frapper à une porte !
Help us ! Help us ! Elle explique à la mamie scandinave au milieu d’une île d’Aland, dans notre anglais d’élève de 4è que ce serait cool qu’elle nous accueille. Avec Julien, en retrait on assiste très très sceptiques à la scène….jusqu’à ce que la porte s’ouvre.
On va dormir presque 5 heures dans un lit, sous une couette, dans une maison chauffée….re-grand luxe !
On démarre une nouvelle section-journée….beaucoup de rame, un peu de marche. Parfois on dégonfle les bateaux, parfois on les porte sur la tête.
Cette fin de traversée de la Baltique est toujours aussi grandiose. Le matin l’océan est totalement lisse, les iîles se reflètent, il nous semble avoir un continent face à nous mais nous contournons des îles les unes après les autres, l’océan s’ouvre sans cesse face a nous. Le vent se lève, parfois il nous pousse, parfois il nous fait dériver. Sur la fin de journée nous avançons dans une bonne petite houle qui nous amuse bien avec Julien mais pas trop Fred et Ju.
Nous profitons de la dernière partie trek, avec la fin de la section nous sentons aussi la fin du raid, un sentiment de plaisir et d’accomplissement nous envahi.
Nous entamons la dernière navigation au jour tombant, petit vent de dos, un océan redevenu lisse. Coucher de soleil à l’horizon, entre 2 îles. Magique, nous profitons.
Avant dernier AT, nous sommes en Finlande. Nous pensions nous poser mais nous sommes euphoriques. Chacun est à ses affaires, la transition est sereine, chacun prend soin des autres, je remets les transmissions en état, on vérifie les dernières batteries.
On remonte sur nos VTT, les douleurs liées à la première section de 230km ont quasiment disparu après 3 jours de bain de siège dans les néoprènes.
On roule vite, on roule bien, je confirme les choix de Julien.
Dernière contrariété : Après 15km on se trouve face à une rivière, impossible de contourner, je me mets à l’eau…froide, jusqu’au ventre !
Fred est blême, vraiment aucune envie d’avoir à nouveau froid. On se fait passer les VTT puis on lui tresse un pont avec les roseaux, en la soutenant elle passe sans se mouiller les genoux. Pour le fun et la photo on se remet même à l’eau avec le sourire !
On s’accorde une petite pause de 15’ dans une grange, habillage rapide, on emboite Fred avec Ju, on sombre et …on repart ! On imagine les copains derrières les ordis qui risquent de rater notre arrivée, on avance vite. Une micropause de 5’ pour Ju et nous sommes dans les faubourgs de Turku.
Dernier AT, on pose les sacs : seuls matos obligatoire GPS et téléphone ! Que c’est bon de courir light. On veut en finir vite, alors on trottine puis on court carrément quand on voit Paca. Julien nous sort encore une orientation de feu sur une carte du 17è siècle.
On y est, je suis fier (full course !!!), heureux et en même temps le sentiment que cette équipe à « juste » fait ce qu’elle avait à faire. Vivre ensemble une aventure humaine, avec lucidité, forts collectivement pour triompher du défi de cette immensité sauvage dans laquelle nous avons progressé.
Par delà l’organisation sans faille de Staphan, la magie des rencontres et des échanges avec les autres français dans la course, l’hotel, les ferrys, les mojitos….Toute cette aventure n’a de valeur que grâce à Frederique Stoezel, infatigable, toujours en marche avant que seul le froid peut atteindre, Julien Rannou, capitaine de route qui s’est découvert marin au long court et enfin Julien Kervédaou orienteur précis, serein, fort !
Merci a nos autres partenaires de jeu chez Team GC et les Princes Noirs, qui nous ont aidé dans la préparation, qui nous ont encouragé et suivi.
Merci à Lucien Georgelin Yann Lefruitdelexploit pour l’alimentation de course, j’ai particulièrement apprécié les nouveaux gels citron-citron vert (un avant gout de mojito pendant les moments difficiles de la course !)
Merci a Utter Gear pour les combinaison de swimrun, des néoprènes top de gamme !
Merci a tous ceux qui ont participé à notre cagnotte.